"Show me the incentives, I show you the outcomes" - Charlie Munger
Cette citation de Charlie Munger, qui s’est éteint cette semaine à l’âge de 99 ans, n’en est qu’une parmi tant d’autres - toutes excellentes - dont “Every time you hear ebitda, just substitute it with bullshit.” et “Sometimes I call it crypto crappo, sometimes I call it crypto sh—. It's just ridiculous that anybody would buy this stuff”.
Fidèle lieutenant de Warren Buffet, leur vision à long terme a permis d’afficher d’insolents retours sur investissement pour les actionnaires de Berkshire Hathaway, avec une performance annuelle moyenne de 19.8% entre 1965 et 2022 contre 9.9% pour le marché américain sur la même période.
Cette vision à long terme est de plus en plus rare dans notre société. Les livres ont été remplacés par des vidéos TikTok de dix secondes et les revenus inexistants des cryptomonnaies ont remplacé les dividendes de Coca-Cola. Nous sommes à la recherche de likes et de profits quasi immédiats.
Cette recherche du profit à court terme s’est rependue dans les organes de décision des entreprises, où tout succès est couronné de bonus se comptant en millions et où tout échec est pardonné, voire accompagné d’un parachute doré.
Bien que certains commentateurs - dont la présence dans les médias suisses semble être proportionnelle à leur incompréhension du monde des entreprises et des marchés financiers - aient fait porter la faute de la déroute du Credit Suisse à des short seller mal intentionnés, nous avions identifié en février que les problèmes portaient sur l’absence de gouvernance et de gestion des risques, et avaient pour racine une vision à court terme visant à amasser un maximum de profits, sans se soucier des conséquences.
À propos du Credit Suisse, cela était encore confirmé cette semaine dans un article paru dans le Wall Street Journal :
“It’s ultimately a governance issue going back to the board of an inability to root out scandal and an unwillingness much earlier to wind down problematic units,” said Steven Kelly, associate director of research at the Yale Program on Financial Stability. “When you’re a bank, you have to cut risk early. At every scandal, they could have started the clock then,” Kelly said.
***Réclame***
Afin que j’atteigne les objectifs de croissance 2023, participez au programme de parrainage et recevez votre calendrier 2024 :
Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, l’un des bénéficiaires d’argent frais de la déroute du Credit Suisse ne fut autre que celui qui était devenu alors le deuxième gérant de fortune de Suisse, Julius Baer. La nouvelle était reportée comme suit cet été dans le Financial Times :
Switzerland’s second-biggest bank, Julius Baer, said it pulled in more than SFr9.2bn ($10.6bn) in new money from clients following the near-collapse of rival Credit Suisse and its takeover by UBS in March — a trend it expects to continue in the coming months.
Malheureusement pour les investisseurs, Charlie Munger avait lui identifié un autre problème à venir pour les banques :
Charlie Munger has warned of a brewing storm in the US commercial property market, with American banks “full of” what he said were “bad loans” as property prices fall. […]
“It’s not nearly as bad as it was in 2008,” the Berkshire Hathaway vice-chair told the Financial Times in an interview. “But trouble happens to banking just like trouble happens everywhere else. In the good times you get into bad habits . . . When bad times come they lose too much.”
Nous évoquions ce même problème cet été dans l’article intitulé Château de pierre :
Cette semaine, l’une des victimes du château de pierre était René Benko, magnat de l’immobilier du groupe Signa, propriétaire notamment de Globus, Selfridges, KaDeWe et le Chrysler Building à New York. Raison ? Un empire construit sur de la dette et des taux bas.
La gestion des risques sur la place financière suisse étant aussi réelle que Guillaume Tell, on apprenait cette semaine que l’une des principales victimes de la chute du milliardaire en papier n’était autre que Julius Baer, qui avait mis une bonne partie de ses œufs dans un très gros panier et où sur CHF 1.5 milliards de prêts privés, plus de CHF 600 millions semblent être exposés à Signa.
D’un sérieux tout suisse allemand, son directeur compte déjà les morceaux de coquilles :
“We regret that a single exposure has led to the recent uncertainty for our stakeholders,” Rickenbacher said. As a result, “we will review our private debt business and the framework in which it is conducted”.
Ce qui n’est pas rassurant devient inquiétant : les garanties sur ces prêts, selon Blick.ch, ne seraient autres que les actions de l’empire en faillite :
“Les garanties devraient être des actions de l'empire Benko, qui ont fortement perdu de leur valeur à la suite des récentes turbulences. Si des parties de l'entreprise devaient maintenant faire faillite, la valeur des actions pourrait rapidement tomber proche de zéro.
Cette gestion n’a pas échappé aux lecteurs du FT :
Charlie Munger peut reposer en paix, il n’était pas exposé.
Quant aux banquiers suisses, ils révèlent une fois de plus leur vrai secret : sans secret bancaire, ils ne valent pas beaucoup plus qu’une tranche d’Emmental.
À court terme, un ♡ est très apprécié.