“I think that, every time you see the word EBITDA, you should substitute the words "bullshit earnings.” - Charlie Munger
En finance d’entreprise, les théories financières et les études de cas croustillantes des grandes écoles sont rapidement remplacées en pratique par des compétences toutes autres : préparer des présentations Powerpoint mettant en avant toute sorte de modèles d’affaires avec des graphiques et de jolies couleurs.
Les aspects financiers tournent alors souvent autour de quelques chiffres clés, dont le sacro-saint EBITDA pour Earnings Before Interest Tax Depreciation and Amortisation.
Bien que ni défini ni reconnu dans les standards comptables internationaux, l'EBITDA est largement utilisé en finance d'entreprise pour sa simplicité, sa comparabilité et sa focalisation sur la performance opérationnelle essentielle d'une entreprise. Il sert de métrique précieuse pour l'évaluation, l'approximation des flux de trésorerie, la conformité aux conventions de prêt et les prévisions financières. Il doit toutefois être utilisé conjointement avec d'autres mesures pour fournir une image financière complète.
Souvent, afin de neutraliser les éléments exceptionnels ou simplement afin d’améliorer celui-ci, les entreprises ont recours à l’Adjusted EBITDA.
Lorsque les épinards sont de si mauvaise qualité que même l’Adjusted EBITDA ne suffit pas, certains ont alors recours à un “Adjusted Adjusted EBITDA” afin de maintenir le rêve éveillé. C’est le cas de WeWork, qui, lors de recherche de financement en 2018 a présenté un “Community Adjusted EBITDA”, ce qui n’avait alors pas échappé au Financial Times:
Mercredi, sans surprise, WeWork annonçait l’inévitable pour ceux qui ont suivi la saga d’une des entreprises reflétant les excès de la dernière décennie :
WeWork (WE.N) plans to file for bankruptcy as early as next week, a source familiar with the matter said on Tuesday, as the SoftBank Group-backed company struggles with a massive debt pile and hefty losses.
Si cet évènement peut paraitre isolé, il pourrait cacher un plus gros iceberg, notamment à cause du “I” de l’EBITDA.
Dans un long article paru dans le Financial Times à propos de la situation dans le private equity, le secteur devrait inquiéter tous ceux qui pensent encore que les EBITDA ajustés peuvent encore sauver une industrie prête à tous les stratagèmes ponzinomiques pour retarder l’échéance inévitable : l’implosion d’une croissance construite grâce à des taux bas et des liquidités coulant à flots.
En période de taux proches de 0, les problèmes de liquidités sont moindres : les impôts - le T - n’est dû que lorsque cela va bien et les amortissements (le D et le T) ne sont que des écritures comptables. Les intérêts, eux, sont dus et les échéances approchent.
Les tactiques afin de retarder l’échéance sont nombreuses :
Facing a sudden hiatus in new money flowing into their funds and with existing investments facing refinancing pressure, private equity groups are increasingly resorting to various types of financial engineering.
They have begun borrowing heavily against the combined assets of their funds to unlock the cash needed to pay dividends to investors. Some firms favour these loans because they remove the need to ask their investors for more money to bail out companies struggling under heavy debt loads.
Ou encore :
Another tactic is to shift away from making interest payments in cash, which conserves it in the short term but adds to the overall amounts owed.
À l’horizon, l’iceberg grandit : si “seulement” 200 milliards de prêts sont dus en 2024 et 2025 pour les entreprises de mauvaise qualité, le montant cumulé jusqu’à 2028 dépasse le trillion de dollars.
Parmi les entreprises très endettées dont les résultats ne permettent certainement pas de faire face aux futures échéances, on retrouvera certainement X (Twitter) qui a été sabordé, comme anticipé, par le faux génie Elon Musk.
L’audience est en baisse, l’entreprise n’est pas rentable, perdant au passage plus de la moitié de sa valeur en 12 mois.
Afin de rassurer les banquiers et incertains qu’un Community Adjusted EBITDA ne fasse l’affaire pour combler 1.5 milliard de dettes à rembourser, les innovateurs de la Silicon Valley ne nous ont pas déçus en inventant un “Cash Flow Debt Adjusted” :
X CEO Linda Yaccarino told lenders on Thursday that the company formerly known as Twitter is cash flow positive — except for the $1.5 billion in debt payments the company owes per year to the banks who lent $13 billion to finance Elon Musk’s purchase of the company, according to Bloomberg.
Et si cela ne fonctionne pas, il restera alors à Musk le dernier coup possible : vendre ses actions Tesla et créer une spirale infernale vers le bas, suivant alors les traces du Titanic, passant du statut du génie insubmersible au naufrage que personne ne pensait possible.
Enfin, presque personne.
Ajuste cet article en pressant sur le ♡