Autogoals
Pendant que l'Europe bloque ses infrastructures énergétiques et importe du gaz des pays qu'elle boycotte, ce sont les pays émergents qui en font les frais
“It's not denial. I'm just selective about the reality I accept.” – Bill Watterson
On se rappelle tous du bon vieux temps où un streakers envahissait un terrain lors d’un match soporifique et mettait ainsi un peu d’ambiance sur le terrain. Certains avaient des revendications, d’autres voulaient juste une minute de gloire.
Aujourd’hui, ces moments n’étant plus projetés sur les écrans, peu probable de voir des candidats s’aventurer nus et ivres sur un terrain climatisé du Qatar cet hiver.
Pour ceux qui souhaitent toutefois regarder la compétition, il n’y aura malheureusement pas de fan zone dans de nombreuses villes. Les supporters devront donc se rendre dans un bar bien au chaud pour regarder leur équipe favorite plutôt que de se les peler dehors fin novembre.
Le boycott de la coupe du monde au Qatar par les gouvernements est ce que sont les pailles en plastique dans les cantines d’entreprise : la mesure dont tout le monde se fout mais qui donne bonne conscience.
Les activistes - eux - doivent donc continuer à se battre et les terrains de foot ayant perdu de leur visibilité, ils s’attaquent aujourd’hui de plus en plus aux infrastructures énergétiques stratégiques, ce qui peut paraitre surprenant en période de pénurie.
Après les attaques ces dernières années des centrales nucléaires par Greenpeace, lundi matin les activistes Debt for climate avaient décidé de faire entendre leur nouveau message en bloquant la raffinerie de Cressier, unique raffinerie de pétrole en suisse.
Fièrement, l’organisation partageait son action sur Twitter :
Sur son site, l’organisation se définit de manière limpide comme suit :
Nous sommes une initiative populaire, portée par le Sud Global, qui lie les luttes pour la justice sociale et climatique en unissant les mouvements syndicaux, sociaux et climatiques du Sud et du Nord dans un objectif commun: renverser le piège du surendettement en annulant la dette des nations appauvries, laisser les combustibles fossiles dans le sol, et ainsi financer une transition juste. La réalisation d'une initiative mondiale de Dette-pour-le-Climat a le potentiel de laisser des bilions de dollars de réserves de combustibles fossiles dans le sol, tout en libérant les pays concernés d'un fardeau de dette étranglant, souvent utilisé comme un outil de justification pour une plus grande extraction des ressources naturelles.
En d’autres termes, il faut donner de l’argent aux pays en voie de développement afin d’investir dans les énergies renouvelables.
L’impact des énergies fossiles sur l’environnement n’est plus à remettre en cause et les actions gouvernementales et non-gouvernementales sont urgentes afin d’assurer la transition énergétique et atteindre les objectifs climatiques de 0 émission d’ici 2050.
Le chemin de cette transition ne se fera pas du jour au lendemain et il n’est pas sûr que ces actions aient les effets souhaités.
En effet, l’Europe ne fonctionne pas encore grâce à des marmottes pédalant sur vélos en bois et ce qui n’est pas extrait, produit ou transformé ici est importé au dépend d’autres pays.
Alors que l’Europe et ses têtes pensantes alignent les autogoals, les premières victimes commencent à émerger et selon nos dernières informations, il ne s’agit pas d’activistes dont la main est restée collée au sol ou de grévistes de chez Total.
On se tourne vers un article paru dans Quartz partagé par Doomberg pour découvrir une des victimes des autogoals européens :
For the past couple of months, Bangladesh has resorted to frequent power cuts to ration supplies amid high global fuel prices. Extreme measures have included shutting school an extra day each week and getting government offices and banks to shorten their work days.
Even before the war broke out, gas supplies heading to Asia were being diverted to Europe. Now with Russia-Ukraine war squeezing supply, the richer European nations are getting dibs on whatever is up for grabs. With winter and a cap on Russian fuel imports approaching, European buyers will look to stock up on even more LNG.
Au Pakistan, la situation est similaire, ici selon Bloomberg :
There’s little LNG supply available until 2026 when massive new export projects start up, according to traders. Many spot cargoes are currently going to Europe, where buyers are willing to pay high prices in the rush to secure gas to replace dwindling Russian pipeline flows. That’s leaving developing nations facing energy shortages and economic uncertainty for years.
The latest blow comes at a difficult time for Pakistan, which is already struggling with high inflation and falling currency reserves. Some LNG suppliers are hesitant to sell fuel to the nation out of fear it may not be able to make future payments, according to traders.
Un des principaux fournisseurs de gaz est… le Qatar, dont le boycott semble s’arrêter aux écrans géants extérieurs.
Face à ses autogoals, on imagine que les européens se serrent la ceinture afin de limiter leur consommation d’énergie, en commençant par son fer de lance, la quadruple championne du monde toute catégorie, l’Allemagne.
Détrompez-vous! Les Allemands comptent bien profiter des 200 milliards d’euro d’aide reçue pour faire face à la crise énergétique afin de continuer à consommer comme au bon vieux temps.
De toute manière, pourquoi faire un effort si le Pakistan ou le Bangladesh ramassent les balles au fond des goals ?
On leur donnera les Jeux Olympiques d’hiver 2032 pour se consoler.