“I have more people measuring emissions than I have researchers studying how to abate them” - Un Chief Sustainability Officer perplexe
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En janvier 1954, les fabricants de tabac américains ont parrainé conjointement une publicité de plaidoyer intitulée "A Frank Statement to Cigarette Smokers" qui a paru dans 448 journaux dans 258 villes, atteignant environ 43 245 000 Américains. La publicité remettait en question les résultats de la recherche impliquant le tabagisme comme cause de cancer, promettait aux consommateurs que leurs cigarettes étaient sans danger et s'engageait à soutenir une recherche impartiale pour enquêter sur les allégations selon lesquelles le tabagisme était nocif pour la santé humaine.
70 ans plus tard, l’industrie du tabac est toujours à la pointe de ce qui est bien pour vous. Du moins si l’on se fie à leurs performances ESG, rapporté ici dans The Telegraph :
Many people will be left scratching their heads over how Tesla, a company whose mission is to consign the internal combustion engine to the history books, can be a less ethical investment than one that sells cigarettes.
Nonetheless, the electric car pioneer scored 37 points out of a possible 100 in an ESG assessment by the data company S&P.
Oil behemoth Chevron scored 43. Philip Morris International, run by chief executive Jacek Olczak and the company behind Marlboro, the world’s favourite cigarette brand, scored 84.
It is just one example of how the ratings, used by pension funds worldwide to decide if companies are ethically compliant, apparently defy common sense.
Si l’on regarde la définition d’ESG - “de saisir tous les risques et opportunités non financiers inhérents aux activités quotidiennes d'une entreprise” on peut en effet se demander comment l’industrie du tabac, qui tue des millions d’êtres humains chaque année - est souvent parmi les mieux classée lorsque l’on parle d’impact environnemental ou social d’une entreprise.
En effet, chaque entreprise a des problématiques différentes lorsque l’on regarde les impacts de ses activités. La recherche des groupes pharmaceutiques a permis d’améliorer sensiblement l’espérance de vie parfois au détriment du bien être des animaux, les groupes pétroliers vous permettent de vivre au standard que vous voulez jour après jour, mais polluent la planète, etc.
Ainsi, ces classements peuvent surprendre, voir défier le bon sens. Les scores ESG n’ayant pas uniquement pour but de vous informer si une entreprise est plus ou moins positive pour le bien commun. C’est surtout un concept repris par l’industrie de la finance et du conseil afin de classer tant bien que mal les entreprises pour leurs impacts “non financiers” selon des critères définis par elles-mêmes qui vont de l’existence d’un comité d’éthique à l’utilisation de panneaux solaires sur le toit du siège social.
Ainsi, la récompense vient à celui qui est transparent et qui fait des efforts. Si le cartel de Sinaloa venait à mettre en place une charte de gouvernance détaillée et produisait de la cocaïne à partir de combustibles durables, son score serait certainement meilleur que celui de mère Teresa si elle avait décidé de ne pas publier un rapport ESG.
Bravo donc à l’industrie du tabac pour ses efforts. On ne comptera pas l’impact environnemental pour produire des rapports ESG qui comptent sûrement plus de pages que de lecteurs, dont nous vous rapportons ici quelques best of de celui de British American Tobacco (BAT) avant de vous laisser prendre une pause méritée avec votre Marlboro ESG.
Dans l’esprit "A Frank Statement to Cigarette Smokers", le premier indicateur - qui contribue à atteindre le score honorable de 88 sur 100 de BAT dans le classement établi par S&P Global - est de générer pas moins de 5 milliards de livres sterling en vous vendant des cigarettes à vapeur !
On apprendra en outre que les émissions indirectes de scope 3 sont quant à elles tellement compliquées à calculer qu’elles sont rapportées avec une année de retard, qu’un employé est décédé ou encore que l’activité a généré 122,686 tonnes de déchets.
Ceci n’est pas très important. Comme le rappelle KPMG dans son rapport visant à vérifier “avec une assurance limitée” tous les efforts effectués, les indicateurs présentés sont uniquement là pour que BAT mesure son succès par rapport aux objectifs fixés :
The nature of non-financial information, the absence of a significant body of established practice on which to draw, and the methods and precision used to determine non-financial information, allow for different, but acceptable evaluation and measurement techniques and can result in materially different measurements, affecting comparability between entities and over time. The Reporting Criteria has been developed to assist BAT in reporting ESG information selected by BAT as key KPIs to measure the success of its ESG strategy. As a result, the Selected Information may not be suitable for another purpose.
Bien qu’a priori cette information ne soit pas appropriée pour une autre utilisation, elle fait le bonheur des fonds d’investissement et autres consultants qui n’en demandaient pas moins pour vous vendre un fonds ou un conseil ESG.
Vous n’êtes donc pas prêts de voir ces rapports disparaitre qui ont une double utilité : ils donnent bonne conscience à toute industrie avec des a priori négatifs et permettent aux banques et autres conseillers de générer de juteux profits.
Quant à vous, vous pouvez ainsi être sûr que vous aurez des fabricants de tabacs dans le fonds que vous a refourgué votre banquier et vous culpabiliserez un peu moins en tirant sur votre Iqos : vous contribuez à de meilleurs lendemains.
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