Traders Menteurs
Les politiciens et les dirigeants sont d'incroyables traders. Faites ce qu'ils font, pas ce qu'ils disent.
“A lie gets halfway around the world before the truth has a chance to get its pants on” - Winston Churchill
Le 11 octobre 1978, Hillary Clinton, une investisseuse néophyte avec un revenu annuel de 25 000 dollars, a ouvert un compte de contrats à terme sur matières premières avec un dépôt de 1 000 dollars.
Sa première opération fut la vente à découvert de dix contrats de bétail vivant au prix de 57,55 cents la livre : un engagement de livrer en décembre de la même année 400 000 livres de bovins d’une valeur marchande de 230 200 dollars. Un jour plus tard, elle a racheté les contrats à un prix de 56,10 cents, soit seulement 0,15 cent au-dessus du creux de la journée, empochant 5 300 dollars pour un rendement de 530%. Sa stratégie a continué d’être gagnante. Au moment où elle a fermé son compte de trading dix mois plus tard, elle avait accumulé 99 541 dollars de bénéfices, soit un rendement spectaculaire de 10 000 % sur son investissement initial de 1 000 dollars. Soit Hillary Clinton était une meilleure tradeuse que le légendaire George Soros, dont le meilleur rendement annuel en trente ans de trading était de 122%, soit elle était dirigée par une main invisible.
Main invisible qui n’était autre qu’un certain James Blair, alors avocat général de Tyson Foods, le géant de l’emballage de viande basé en Arkansas, avec entre autres quelques affaires importantes à l’étude par le gouverneur de l’époque, un dénommé Bill Clinton. Le courtier qui a exécuté ses ordres était un ancien employé de Tyson – un homme qui a été sanctionné par le Chicago Mercantile Exchange (CME) pour la tenue bâclée des dossiers la même année où Hillary Clinton a réalisé sa manne.
En ce qui concerne les stratagèmes visant à acheminer de l’argent à des politiciens puissants, cet épisode est remarquable pour son effronterie. Il a toutefois été oublié au profit d’autres histoires plus vendeuses.
Alors que les rendements des banquiers millionnaires sont souvent moins bons que ceux d’un singe, les politiciens américains ont continué de faire honneur à leur réputation de trader de légende grâce aux informations privilégiées qu’ils détiennent. Leur succès est tel que des fonds indiciels suivent leurs positions. Parmi eux, celui de Nancy Pelosi, Présidente la chambre des représentants, dont les discussions sur l’oreiller avec son mari Paul Pelosi ont certainement contribuées à alimenter leur fortune de plus de 100 millions de dollars.
Les dirigeants d’entreprises détiennent eux aussi des informations capables de créer ou de détruire des fortunes, ce pourquoi leurs discours et leurs actions sont scrutées de près.
Suivant le modèle “faites ce que je dis, pas ce que je fais” afin de s’enrichir personnellement, ils ne sont pas loin derrière les politiciens pour faire remonter quelques millions de dollars dans leurs escarcelles.
Voici quelques exemples récents.
Brian Armstrong, le Coinbaiseur™
“I’m just as bullish on crypto as ever” - 18 novembre 2022
Durant son lunch avec le FT en novembre dernier, le dirigeant et fondateur de Coinbase ne cachait pas son optimisme : “je n’ai jamais été aussi optimiste pour la crypto”.
Cette semaine, Coinbase a présenté une nouvelle perte de plus de 500 millions de dollars lors du dernier trimestre, notamment à cause de la rémunération en action de ses dirigeants représentant… 70% des revenus.
Si vous ne pensez pas que les cryptos vont disparaitre, regardez fondre les dépôts des clients sur la plateforme plus rapidement que les joueurs de pogs s’étaient reconvertis aux cartes magics dans les années nonantes.
Brian Armstrong y croit tellement, qu’il a vendu quelques actions en plus entre temps, encaissant un total de près de 300 millions de dollars, qu’il n’a pas converti en bitcoin mais dans la pierre.
Elon Musk, le Muskeur™
“Tesla Could Be Worth More Than Apple And Saudi Aramco Combined” - 20 octobre 2022
Champion toute catégorie, le Muskeur en chef Elon Musk est un expert en la matière dont nous avons déjà rapporté plusieurs fois les chefs d’œuvres.
En octobre, lors de la présentation des résultats du 3ème trimestre, les bonnes nouvelles étaient comme à chaque fois nombreuses. Tesla allait dépasser la valorisation d’Apple et d’Aramco. Il ne faisait donc pas de doute que Tesla bénéfice d’une demande illimitée, confirmée par Musk:
“We have excellent demand for Q4 and we expect to sell every car that we make for as far as the future as we can see,”
Trois mois plus tard, après avoir baissé les prix de ses véhicules à plusieurs reprises pour maintenir la demande, voici comment sont reflétées les ventes par rapport aux véhicules produits.
Entre temps, Elon n’a pas hésité à réaliser le trade gagnant :
Axel Lehmann, le bonnet d’âne™
“The good part of the sad story is we had very few clients leaving. They are still with us, they still continue to do business with us.” - 1er décembre 2022
Le Président du Credit Suisse, Axel Lehmann - un nom qui ne s’invente pas pour un banquier à succès - confirmait de manière sereine en décembre que les actifs sous gestion ne suivrait pas le chemin de Coinbase et s’était stabilisés.
Les résultats annoncés il y a deux semaines ont pour le moins contredit les dire du Président. Au dernier trimestre 2022, l’exode des clients de la banque en difficulté a atteint 110 milliards de francs, dont 93 milliards dans la gestion de fortune. Au total, Credit Suisse gérait à la fin de l’année 1294 milliards, contre 1614 fin 2021.
A voir quelle explication Lehmann donnera à la Finma. Pas sûr que l’explication “110 milliards est un petit chiffre” satisfasse l’autorité de surveillance.
Les actions du Credit Suisse étant si basse, il ne semble pas qu’il ait pris la peine de profiter du rebond du titre à la suite à son interview pour s’en débarrasser.