“Et quand je songe, mille sabords! qu’on m’a interdit à moi de fumer ne fut-ce qu’une pauvre petite pipe, sous prétexte d’économiser l’oxygène, cet oxygène que vous venez ici respirer à tire-larigot!…” - Le Capitaine Haddock, dans “On a marché sur la lune”
En 1953, Hergé imprimait le 16ème tome des aventures de Tintin avec “Objectif Lune”, un an avant le 17ème tome “On a marché sur la Lune” et quinze ans avant que Neil Armstrong marche sur la lune pour la première fois en 1969.
Hergé a publié deux tomes pour ces aventures: la planification de la mission dans le premier épisode et la réalisation de celle-ci dans le deuxième.
Plus de cinquante ans plus tard, une expédition sur la lune ne s’éloignerait pas significativement des Aventures de Tintin; du moins une chose est sûre : il faudra redescendre tôt ou tard et la descente sera possible uniquement si la planification du voyage n’a pas été bâclée.
En ce sens, les cryptos bros et autres traders autoproclamés durant la pandémie ont bien choisi leur expression “To The Moon”. Ils ont en effet marché sur tous les astres qu’ils ont visé : Le Dogecoin, Bitcoin, AMC, Shiba Inu, Tesla, Gamestop ou autres cryptos ou meme stocks grâce au kérosène fourni par les banques centrales pour maintenir l’économie durant une pandémie de deux ans.
Malheureusement, ils ont oublié de lire le premier tome de finance fondamentale dont le premier paragraphe aurait pu être écrit par Josh Wolfe ainsi:
“To The Moon is not fundamental analysis. It is an inducement. It is an encouragement of belief. And the only thing that is fueling that rocket ship To The Moon is the credulity of others”
En effet, dans le classement des professions que tout le monde pense pouvoir exercer, le domaine de l’investissement financier est en compétition avec les infectiologues pour la médaille d’or saison 2020/2021. Ils succéderont aux champions pré-pandémie, les auto-proclamés restaurateurs qui ouvrent un établissement après une carrière de technico-commercial et se retrouvent quelques mois plus tard sur M6 à pleurer auprès de Philippe Etchebest à se demander pourquoi leur concept de poissons surgelés n’a pas fonctionné.
Malheureusement pour eux, il n’y aura pas de Philippe Etchebest pour leur dire que l’argent ne pousse pas sur les arbres et que d’investir dans des actions qui s’achètent à 50 fois leur chiffre d’affaires ou qu’un intérêt de 25% sans risque sur des billets de Monopoly - pardon une crypto innovante - cela fait toujours zéro.
Ponzino et consorts vont donc devoir passer directement par la case “fast food” sans passer par la case “erreur de la banque en votre faveur”, les plateformes centralisées de crypto n’étant pas régulées et se fichant complètement de votre sort.
Coinbase, la plateforme d’échange cotée au Nasdaq dont l’évolution du cours de l’action reflète la chute d’une industrie sans avenir, vous le met même par écrit dans son dernier rapport trimestriel:
“Moreover, because custodially held crypto assets may be considered to be the property of a bankruptcy estate, in the event of a bankruptcy, the crypto assets we hold in custody on behalf of our customers could be subject to bankruptcy proceedings and such customers could be treated as our general unsecured creditors”
Pire qu’une action qui se traite à 50 fois le chiffre d’affaires, les cryptomonnaies.
Il est vrai que nous avons parfois été un peu dur avec le bitcoin et les cryptomonnaies ces derniers temps et nous nous devons de préciser quelques points.
La bonne nouvelle est que le bitcoin a une autre fonction que celle d’une pyramide de Ponzi géante ou de casino: une réplique de la performance du Nasdaq, l’indice des actions technologiques américaines.
La mauvaise? Pour toute action, même à 50 fois les ventes, vous avez l’espoir que la croissance espérée se produise et que vous avez le prochain Google entre les mains dont vous pourrez profiter d’un retour sur investissement dans quelques années.
Le bitcoin ne produit absolument rien et vous pouvez attendre 1 an, 5 ans ou 100 ans, si la fonction du bitcoin est d’être un dérivé du Nasdaq, sa valeur est de zéro.
Certaines rumeurs courent que le Professeur Tournesol préférait nettement la fonction de pyramide de Ponzi par rapport au dérivé du Nasdaq: il vous donne au moins l’espoir de trouver le prochain pigeon.
Pigeons qui semblent être en voie de disparition cette semaine.
Le tweet de la semaine
La leçon de la semaine
Si vous pensez que vous avez passé le plus dur en gardant bien au chaud vos penny stock et autres jetons avec vos “mains en diamant” rappelez-vous ces quelques points pour lesquels vous ne pourrez pas dire qu’un ours bienveillant ne vous avait pas averti pendant que l’on vous promettait la lune:
Le Bitcoin, qui n’a pas plus d’utilité qu’avant la pandémie, valait 5’000 dollars lorsque celle-ci s’est déclarée
Tesla vaut encore dix fois plus qu’en 2019 malgré un deuxième trimestre qui pourrait présenter une perte à cause notamment… d’une perte sur leurs bitcoins achetés par leur “master of coin”
La capitalisation du Dogecoin, inventé sur une blague, vaut encore près de 15 milliards, l’équivalent d’un banque comme la Société Générale ou le Credit Suisse
AMC, dont la situation s’est dégradée, à une capitalisation encore plus de 10 fois supérieure à celle d’avant la pandémie lorsque les perspectives des salles de cinémas étaient bien meilleures qu’aujourd’hui.
Les jours de la fraude Tether sont comptés.
Prenez du recul, tirez-un coup sur votre pipe tant qu’il reste encore un peu d’oxygène car ce n’est pas sûr qu’il y aura assez de coke en stock pour vous faire oublier votre atterrissage douloureux.