« Rather go to bed supperless than rise in debt. » — Benjamin Franklin dans Poor Richard’s Almanack, 1748
En collaboration avec le .
La Suède n’a pas que Ikea et Volvo. Klarna Group plc, plus connue sous le nom de Klarna, est une start-up suédoise de la fintech emblématique de son secteur. Croissance à deux chiffres, logo moderne et cool, PDG avatar de tech bro, et velléités de révolutionner la finance grâce à l’IA. Le modèle économique est en réalité vieux comme le monde, la start-up étant principalement active dans le financement de crédits à la consommation “Buy Now Pay Later” (BNPL ).
Klarna permet notamment de payer sans intérêts en quatre fois ou à 30 jours ses achats de produits de marques tels que Gucci, Nike, ou Temu. Mais aussi de financer des courses chez Walmart, un leader de la grande distribution à bas prix, ou Chipotle, une chaine de fast food spécialisée dans les burritos. Il est cependant précisé qu’il n’est pas possible de financer des achats de drogues ou de paris en ligne. Ce qui laisse du potentiel d’innovation aux prochaines licornes des fintechs et un use case à l’industrie de cryptomonnaies.
Bien que l’implantation principale de Klarna reste en Europe, ses plus gros chiffres de croissance proviennent du marché américain où les activités BNPL sont peu régulées et où les consommateurs ont une forte appétence au crédit.
Klarna's January-March revenue grew by 15% on a like-for-like basis to $701 million, while its adjusted profit stood at $3 million, up from a loss of $2 million a year ago when adjusting for the sale of its Klarna Checkout (KCO) business. In the United States, revenue grew 33% year-on-year, helped by partnerships with Walmart, DoorDash and eBay, Klarna said.
La start-up suédoise a fait parler d’elle ces dernières années pour trois raisons :
Un projet d’IPO ambitieux avec une valorisation attendue à 15 milliards d’USD (seulement 714 fois le bénéfice 2024 de 21 millions d’USD, une affaire à saisir).
Les affirmations audacieuses de son PDG sur le remplacement d’équipes entières par des IA.
Plus récemment, des pertes importantes sur ses créances client.
Le financement à crédit d’un burrito est devenu une source populaire de commentaires et de mèmes sur le web, qui remplacent et synthétisent les analyses pointues de Wall Street.
“The irony of them thinking they're going to get paid reliably from the same kind of person who finances a burrito is hilarious.”
Au-delà du symbole du burrito à crédit, les récentes difficultés rencontrées par la start-up sont synthétisées dans une excellente vidéo au titre évocateur :
Le modèle économique qui consiste à prêter à taux zéro à des consommateurs probablement déjà trop endettés est fondamentalement ambigu. Les résultats dépendent des retardataires auxquels des frais et pénalités très élevés sont appliqués, mais sont mis en danger par les mauvais payeurs qui génèrent des pertes de 100%.
Sur le remplacement des employés par des IA, les déclarations n’avaient été qu’en partie suivies des faits, une fois n’est pas coutume : le gel des embauches n’avait concerné que certaines fonctions comme le service client. Et depuis la vague d’enthousiasme immodéré pour l’IA dans laquelle ces annonces s’inscrivaient, la technologie a commencé à montrer des limites.
Le turnover moyen étant proche de cinq années selon les propres dires du PDG de Klarna et la décision datant de décembre 2023, il est temps de s’interroger sur les premiers résultats de cette politique IA first au service client :
After years of depicting Klarna as an AI-first company, the fintech’s CEO reversed himself, telling Bloomberg the company was once again recruiting humans after the AI approach led to “lower quality.”
Nous avons donc tous les ingrédients pour un IPO de licorne réussie en 2025 avec un modèle économique douteux, des promesses d’efficience opérationnelles non tenues et en prime, un bilan particulièrement solide :
Dans les actifs circulants, des créances douteuses adossées à des restes de burritos et des paires de baskets usées.
Dans les actifs intangibles, une marque objet de sarcasme populaire et une large base de clients surendettés.
Malgré ce cocktail parfait, l’IPO a été mise en pause, en mettant en avant l’excuse à la mode du moment :
Klarna put its IPO plans on hold last month due to market turbulence caused by President Donald Trump’s sweeping tariff plans.
Klarna garde toutefois une utilité : être un indicateur "signal faible" sur l’état de l'économie et plus spécifiquement sur le surendettement des ménages américains.
D’ici quelques trimestres, il ne restera alors plus qu’à rebaptiser le Buy Now Pay Later en Buy Now Pay Never. Une innovation suédoise de plus.